A quelques mois des échéances électorales 2024, nous, représentant·es des organisations membres de la Coalition santé[1], acteurs·rices de la société civile et académiques, appelons les président·es de partis à mettre la santé, au sens large, au centre de leurs préoccupations et de leurs programmes électoraux, mais plus encore à l’agenda et au cœur des futurs accords de gouvernements.
Nous n’acceptons pas la petite musique actuelle qui fait incomber à une responsabilité individuelle le caractère dit « insoutenable » de la Sécurité sociale. Au contraire, nous attendons des femmes et hommes politiques un sursaut et l’acceptation d’une réalité implacable : la bonne santé des personnes est la somme des impacts de nombreux déterminants sociaux sur lesquels nous n’avons pas ou peu de prise en tant que personne. La Santé est toujours le résultat d’un nombre important de facteurs dont la grande majorité ne sont pas liés aux soins de santé : par exemple, avoir un logement décent et chauffé, avoir une satisfaction et sécurité professionnelle, avoir la capacité de s’investir dans l’associatif ou d’accéder à des services publics ou à des activités de loisirs et socio-culturelles, ne pas vivre dans un environnement pollué ou avoir des revenus suffisants pour pouvoir se nourrir sainement et se déplacer… Le bien-être de la population est par conséquent d’abord et avant tout une responsabilité collective, publique et politique.
Mais la crise climatique que nous traversons actuellement pourrait nous pousser à nous demander : « A quoi bon être en bonne santé sur une planète malade ? ». Or cette crise démontre la façon dont la santé des personnes dépend du climat. Diffusion des maladies infectieuses, vagues de chaleur, incendies rappellent l’importance de l’idée de l’interdépendance de la santé publique, de la santé animale et de l’environnement. D’une part, il faut donc intimement considérer la santé des populations au regard de son éco-système et la manière dont nous en prenons soin, ou pas ! Et d’autre part, face à la prolifération de ces problèmes, considérer que la sécurité sociale joue à nouveau son rôle fondamental dans la défense du droit de chaque personne à la bonne santé.
Partant de ces constats, nous demandons aux partis et responsables politiques de penser toute politique (éducation, travail, culture, aménagement du territoire, mobilité, économie, alimentation…) à partir de son impact sur la qualité de santé des populations. Mieux, nous attendons de chaque ministre (actuel et futur) qu’il ou elle s’engage à améliorer la santé et le bien-être des personnes par le biais de ses compétences. C’est le principe de « La santé dans toutes les politiques ». Un principe de gouvernance qui se doit également de prendre en compte le critère d’équité et de lutter, par-là, contre les inégalités sociales de santé : nous ne pouvons nous résoudre à accepter que des personnes soient en mauvaise santé à cause de leurs conditions sociales, culturelles et économiques.
Malgré l’importance des facteurs non strictement médicaux dont dépend la santé des personnes, nous restons convaincus de l’importance de l’accessibilité des soins de santé. Celle-ci est multifactorielle. Les soins de santé accessibles sont des soins sensibles aux problèmes de santé des personnes et aux réalités sociales qu’elles vivent ; des soins disponibles géographiquement et temporellement ; des soins dont le coût ne constitue pas un obstacle pour les personnes.
Même si, théoriquement, le droit à la santé est bien garanti par la législation belge, nous constatons sur le terrain que de trop nombreuses personnes n’accèdent pas aux services de soins, telles que les personnes en séjour irrégulier ou encore des populations vivant dans des zones rurales éloignées des institutions de soins.
Elle requiert donc des actions multiples et articulées. En tête, une meilleure planification de l’offre dans les bassins de vie corrélée aux besoins réels des personnes. La pandémie a démontré à quel point il est essentiel de mieux coordonner notre système de soins, de le construire à partir d’une première ligne de soins forte, pluridisciplinaire, accessible, et qui envisage la santé de manière globale. Cette adéquation de l’offre aux besoins dépend notamment de la disponibilité de personnel, gros cailloux dans la chaussure du système de santé. Plus que jamais, il est nécessaire de réenchanter les métiers en pénurie de l’aide, du social, du soin, de la prévention et de l’éducation et de garantir au personnel des conditions de travail dignes et décentes. C’est à nos yeux un enjeu majeur, de santé publique !
Mais quand bien-même nous améliorerions la Gouvernance des politiques publiques via le principe de la santé dans toutes les politiques (1), réinvestirions dans les soins de Santé de la première ligne d’aide et de soins (2), réenchanterions les métiers en pénurie (3)… l’Etat doit également être en capacité de prévenir (4) ! Or la Belgique est tristement en queue de peloton des pays de l’OCDE en matière d’investissement financier dans la prévention et la promotion de la santé (24ème sur 27 pays). L’adage le dit « Mieux vaut prévenir que guérir ». Nous appelons donc à des investissements massifs dans les politiques qui permettent, en amont du système curatif, de renforcer la santé des personnes. C’est l’action combinée de ces quatre dimensions qui aura un réel impact sur la qualité de vie des personnes et qui évitera, à terme, que notre Sécurité sociale – dans laquelle il faut continuer d’investir solidairement pour couvrir les enjeux du vieillissement de notre population et de l’augmentation du nombre de malades chroniques – ne soit comparable au tonneau des danaïdes.
Enfin, en outre d’un Etat Régulateur, Prévenant et Protecteur, nous avons besoin en amont et avant tout d’un Etat Visionnaire. Nous devons fixer notre ambition à court, mais surtout à moyen et long terme en définissant collectivement des objectifs de santé publique en bonne intelligence entre tous les gouvernements, la société civile, les chercheur·euses, les corps intermédiaires et les citoyen·nes. Des objectifs concrets qui s’imposent, se déclinent dans toutes les politiques et qui transcendent et dépassent le temps politique, c’est-à-dire le temps d’une législature. Des objectifs de santé publique qui assurent, garantissent, symbolisent le fait que la santé est un bien commun, un droit fondamental qui n’est pas le résultat de jeux politiques et/ou une variable d’un ajustement budgétaire. Et pour viser une meilleure qualité de vie pour toutes et tous, ces objectifs ne peuvent se heurter aux limites de la structure de l’Etat. Aussi, ça n’est pas d’une 7ième réforme de l’Etat dont nous avons en priorité besoin mais bien d’un plan interfédéral ambitieux en matière de santé publique, seule chance de réussite.
Nous sommes exigeants car la question de la santé ne peut se satisfaire de réponses mollassonnes. Nous sommes cependant optimistes et gageons que l’après 2024 verra le système de santé se transformer et passer d’un système centré sur les symptômes et la maladie à un autre, dont la référence n’est plus la maladie mais le bien-être. Pour que tout le monde puisse #vivre mieux !
[1] La Coalition Santé, connue jusqu’ici comme la Plateforme d’action santé-solidarité, est née en 2007 sous l’impulsion d’acteurs·rices issu·e·s d’horizons divers, toutes et tous préoccupé·e·s par le droit à la santé. Ces acteurs et actrices ont décidé d’unir leurs forces afin de prévenir les conséquences des politiques néolibérales sur les plans social et sanitaire. La Plateforme a récemment fait peau neuve en renouvelant ses instances et en changeant de nom. Elle réunit aujourd’hui des représentant·e·s de mutuelles (Solidaris, Mutualité Chrétienne), de syndicats (CSC, FGTB), du secteur associatif (Fédération des maisons médicales, Médecine pour le peuple, Fédération des Services Sociaux, Réseau de Lutte contre la pauvreté, etc.) et d’ONG (Médecins du monde, Oxfam Solidaire, etc.)
[1] La Coalition Santé, connue jusqu’ici comme la Plateforme d’action santé-solidarité, est née en 2007 sous l’impulsion d’acteurs·rices issu·e·s d’horizons divers, toutes et tous préoccupé·e·s par le droit à la santé. Ces acteurs et actrices ont décidé d’unir leurs forces afin de prévenir les conséquences des politiques néolibérales sur les plans social et sanitaire. La Plateforme a récemment fait peau neuve en renouvelant ses instances et en changeant de nom. Elle réunit aujourd’hui des représentant·e·s de mutuelles (Solidaris, Mutualité Chrétienne), de syndicats (CSC, FGTB), du secteur associatif (Fédération des maisons médicales, Médecine pour le peuple, Fédération des Services Sociaux, Réseau de Lutte contre la pauvreté, etc.) et d’ONG (Médecins du monde, Oxfam Solidaire, etc.)