Nous voulons VivreMieux
Les crises de ces dernières années nous ont montré les limites de notre système de santé et les inégalités qu’elles engendrent. Il est temps d’adopter une vision large et solidaire qui permette à tout le monde de vivre en bonne santé.
Tel est l’objectif du projet :
Mobilisons-nous pour que, dès la prochaine législature, nous puissions .
#promotion de la santé Renforcer la participation et la co-gestion au sein des politiques impactant la santé publique.
#accessibilité Renforcer et orienter les budgets vers l'atteinte d'objectifs (de soins) de santé.
#promotion de la santé Investir dans une éducation promotrice de santé : école, réseau familial, associations…
#accessibilité Réinvestir massivement dans la première ligne d’aide et de soins.
#promotion de la santé Assurer l’accès à un logement digne dans un environnement sain pour tous et toutes.
#accessibilitéRéenchanter et rendre attractif les métiers de l'aide et du soin.
#promotion de la santé Soutenir la production paysanne locale et durable pour une alimentation santé.
#accessibilitéDéfinir et organiser l’offre de soins en fonction des besoins objectivés des populations.
#promotion de la santé Soutenir une organisation du travail saine et durable pour l’ensemble des travailleurs et travailleuses.
#accessibilitéAssurer une plus grande accessibilité financière, géographique, temporelle et culturelle aux services d'aide et de soins notamment en renforçant l’Aide Médicale Urgente.
#accessibilitéPourquoi l’accessibilité aux soins est une priorité ?
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Notre alternative pour la santé !
: une santé globale
pour toutes et tous.
En comparaison avec d’autres pays européens, la performance du système belge de santé est actuellement acceptable. Pourtant, les inégalités de santé demeurent importantes dans notre pays. Elles s’expliquent en grande partie par l’influence des déterminants sociaux, mais aussi par des inégalités d’accès aux soins de santé.
L’état de santé des personnes (espérance de vie, mortalité infantile, obésité, assuétudes, etc.) varie fortement en fonction du milieu dont on est issu·e et dans lequel on vit. Difficultés d’accès à l’emploi et détérioration des conditions de travail, exposition aux crises du logement et environnementale, délitement du lien social, inégalités de genre, etc. sont autant de déterminants sociaux qui pèsent sur la santé des citoyen·ne·s. Selon les études, on évalue leur impact sur la santé à 60 % (15 % pour les facteurs biologiques et 25 % pour le système de soin). Agir en faveur de la santé et de ses déterminants nécessite de mettre en œuvre une approche par continuum, de la promotion de la santé aux soins en passant par la prévention.
Les inégalités sociales de santé ne se résoudront pas en prônant la simple adoption de bons comportements de santé, mais bien en agissant sur les déterminants structurels des inégalités qui sont, eux, liés à des décisions collectives et politiques relatives aux modes de fonctionnement de la société et à un ordre social actuellement inégalitaire. Ainsi, si on améliore les conditions dans lesquelles les personnes naissent, grandissent et vieillissent, on améliorera leur santé. La santé se joue dans tous les domaines de la vie quotidienne et est fonction d’une multitude de facteurs qui l’influencent : il est donc nécessaire de déployer une vision politique intersectorielle de la santé et de prendre en compte la santé dans toutes les politiques.
Le sous-financement des soins de santé, la privatisation et la marchandisation des soins mettent aussi en danger notre système de soins de santé équitable et solidaire. En Wallonie et à Bruxelles, plus d’une personne sur trois déclare avoir renoncé à des soins pour des raisons financières en 2022 : l’accessibilité aux soins est mise à mal, mais cette question ne se réduit pas à une question financière. Les problèmes d’accès aux soins sont aussi d’ordres administratifs, organisationnels, communicationnels ou encore liés à la compréhension du système par les citoyen·ne·s. Cette réalité du manque d’accès aux soins est aujourd’hui exacerbée par la pénurie de soignant·e·s et le manque d’attractivité qui touchent de plein fouet les métiers du soin.
Le système de soins de santé devrait pourtant permettre à chacune et chacun (citoyen·ne belge ou non) de subvenir à ses besoins en santé. Pour améliorer l’accessibilité aux soins de santé, plusieurs orientations doivent être prises dans les années à venir : augmenter les investissements publics dans des objectifs de santé publique ; améliorer les conditions de travail des soignant·e·s ; garantir une meilleure accessibilité tarifaire ; et mettre en œuvre une planification et une organisation des soins qui garantissent, dans chaque territoire, l’identification des besoins de santé et la capacité à y répondre dans une logique d’universalisme proportionné.
En 2020, les écarts d’espérance de vie à la naissance entre la population disposant des meilleures conditions socioéconomiques et celle disposant des moins bonnes étaient de 9 ans chez les hommes et de 6 ans chez les femmes. L’état de santé d’une population est influencé par des facteurs biologiques (patrimoine biologique et génétique), par les soins de santé qu’elle peut recevoir, mais surtout par les déterminants sociaux. Il s’agit par exemple du niveau de revenus, du logement, du niveau d’éducation, de l’emploi et des conditions de travail, des habitudes de vie, des réseaux dont bénéficie la personne, de ses capacités d’adaptation et d’action, du genre et de la culture, mais aussi de l’environnement.
Les inégalités sociales de santé, souvent présentes depuis l’enfance, sont évitables et injustes. Surtout, elles ne sont pas la résultante de conduites individuelles, mais bien de conditions de vie liées à des décisions politiques à tous les échelons.
On ne peut pas non plus faire fi de notre appartenance à un monde globalisé. Entre 2030 et 2050, on s’attend à ce que le changement climatique entraîne, dans le monde, près de 250 000 décès supplémentaires par an dus à la malnutrition, au paludisme, à la diarrhée et au stress liés à la chaleur. C’est la raison pour laquelle la Coalition Santé soutient l’approche « One Health » (« une seule santé »), car préserver notre santé, c’est prendre soin de la planète et de tous les êtres vivants qui la peuplent. Renforcer la résilience du système de santé et assurer une couverture sanitaire universelle au niveau mondial sont aussi deux défis à relever pour prévenir les pandémies futures et lutter contre les inégalités.
Il faut donc favoriser la promotion de la santé et la prévention. La promotion de la santé entend agir sur les éléments favorisant l’émergence, le maintien, le développement du bien-être et de la santé. En ce sens, elle s’efforce de donner aux personnes et aux groupes les moyens d’agir favorablement sur tous ces facteurs qui influencent la santé. Elle tente aussi d’éclairer les responsables politiques des divers secteurs en les confrontant aux conséquences de leurs décisions sur la santé et en les responsabilisant à cet égard. Une politique de promotion de la santé exige donc l’action concertée de toute une série d’intervenant·e·s : gouvernements et autorités locales, secteurs de la santé, du social, de l’économie, etc., mais aussi les organismes bénévoles, l’industrie, les médias. Et, bien sûr, les communautés. Promouvoir la santé revient donc à favoriser collectivement la santé dans toutes les politiques et pratiques. Quant à la prévention, considérée comme comprise dans les politiques de promotion de la santé, elle consiste à prémunir contre les risques de maladies, la progression des maladies et les atteintes à la santé qui peuvent s’ensuivre.
L’importance des actions de prévention et de promotion de la santé ne fait plus l’objet de débats scientifiques. Ces deux axes ne captent pourtant qu’une part minime du financement global de la santé en Belgique. À titre illustratif, la part des dépenses consacrées à la prévention en Belgique s’élevait, en 2018, à 1,7 % des dépenses totales de santé (estimations du SPF Sécurité sociale).
Toutes les personnes vivant en Belgique (citoyen·ne·s belges ou non) doivent pouvoir s’assurer que leurs besoins soient rencontrés en matière de santé, ce qui suppose de garantir à toutes et à tous un accès à des soins de qualité. La logique d’universalisme proportionné, autrement dit des services et actions pour toutes et tous, mais avec une ampleur et une intensité proportionnelles aux besoins, doit être appliquée au système afin de diminuer les inégalités et de permettre à tout le monde d’être en meilleure santé. La question de l’accessibilité des soins est complexe. Plusieurs tendances sont à l’œuvre et divers freins à cette accessibilité doivent retenir toute notre attention. Les logiques de marchandisation et de privatisation ne peuvent en aucun cas dicter les règles de notre système de santé.
L’exemple le plus flagrant est sans doute celui de l’industrie pharmaceutique. Il existe aujourd’hui une absence totale de transparence en matière de régulation des prix des médicaments, les négociations entre les firmes et le gouvernement étant menées dans le plus grand secret, avec pour conséquence un manque à gagner colossal pour la sécurité sociale et un déficit d’accessibilité aux médicaments.
La course à la rentabilité financière se manifeste aussi dans les lieux de soins (hôpitaux, maisons de repos et maisons de repos et de soins, secteur des soins et de l’aide à domicile). Elle se fait au détriment de l’accessibilité (à titre d’exemple, la facture globale des patient·e·s en cas d’hospitalisation fait régulièrement l’objet de suppléments d’honoraires pour des séjours en chambres individuelles), mais aussi de la qualité de la prise en charge des personnes. Elle se traduit, aussi, par des conditions de travail qui se détériorent sans cesse, provoquant un manque d’attractivité des métiers du soin et des situations de pénuries. Ces pénuries entraînent des répercussions au niveau international par la captation de professionnels venant de l’étranger pour pallier nos besoins.
Autre enjeu, celui de l’accessibilité tarifaire. Le taux de conventionnement, dispositif qui fixe les tarifs officiels des prestations et garantit aux patient·e·s un plafond tarifaire, diminue dans de nombre de spécialités. Tous ces phénomènes, conjugués à la privatisation des assurances de santé (DKV, assurances hospitalisation, etc.), favorisent le développement d’une médecine à deux vitesses.
Enfin, pour un système de soins accessible à toutes et tous, ces derniers doivent être planifiés, organisés, échelonnés. Dans chaque bassin de vie et de soins, il faut pouvoir identifier les besoins et avoir la capacité d’y répondre.
Ces problématiques illustrent les défis en matière d’accessibilité aux soins de santé pour les citoyen·ne·s et qui touchent davantage les publics défavorisés. Pensons notamment aux personnes exilées en situation irrégulière qui sont parmi les plus vulnérables. Elles sont les plus confrontées à des barrières d’accès au système sociosanitaire. Il paraît donc incontournable de réformer le dispositif de l’aide médicale urgente (AMU). Un non-recours important de cette aide sociale octroyée par les CPAS pour garantir l’accès aux soins à ces personnes est constaté. Ce dispositif devrait être simplifié, harmonisé entre les différentes CPAS, renforcé et faire l’objet d’une meilleure information. Dans le contexte de non-recours ambiant, la régularisation des personnes sans papiers constituerait sans aucun doute un des socles de l’amélioration de leur accès à la santé.
Le système s’essouffle. Il faut donc absolument pouvoir le revitaliser et le repenser, par le biais d’investissements publics (et non pas d’économies) et dans des objectifs de santé publique
L’accessibilité des soins est étroitement liée à la question financière. Pour beaucoup de patient·e·s, les soins de santé sont devenus impayables et constituent une dépense importante dans leur budget annuel. En Belgique, des mécanismes permettent de garantir l’accès aux soins de santé pour toutes et tous. C’est le cas du conventionnement des prestataires de soins, qui garantit la sécurité tarifaire pour les patient·e·s.
En effet, contrairement aux médecins conventionnés, les médecins non conventionnés fixent eux-mêmes leurs tarifs, augmentent leurs rémunérations et participent à l’augmentation des inégalités d’accès aux soins. Dans ce cas, qu’il s’agisse de soins ambulatoires ou hospitaliers, le·la patient·e paie des suppléments d’honoraires en plus du ticket modérateur. Depuis plusieurs années, on observe une tendance au déconventionnement d’une série de prestataires et une augmentation des suppléments d’honoraires à l’hôpital.
À titre d’exemples, en Belgique, six ophtalmologues sur dix ne sont pas conventionnés (8 sur 10 dans certaines zones). Plus de 40 % des logopèdes ont également refusé d’adhérer à la dernière convention, alors que ce taux ne dépassait pas 10 % précédemment. Quant aux kinésithérapeutes, si leur taux de déconventionnement reste relativement faible, il a malgré tout quadruplé ces dernières années (3,4 % des actes en 2016, 16,2 % en 2019). Les soins dentaires constituent aussi une belle démonstration des conséquences de l’augmentation des coûts pour le·la patient·e. Le taux de déconventionnement des dentistes est passé de 28,9 % en 2008 à 40 % en 2022.
Parmi les 20 % des ménages les plus pauvres, 10,4 % ont renoncé à des soins dentaires par manque de moyens contre 1,2 % seulement parmi les 20 % les plus riches – environ 10 fois moins. À l’hôpital, entre 2015 et 2019, les suppléments d’honoraires ont progressé 2 fois plus rapidement que les honoraires remboursés par l’INAMI. Les suppléments d’honoraires sur les honoraires médicaux remboursables lors des séjours hospitaliers en 2021 s’élèvent à 598 millions d’euros (496 millions d’euros en hospitalisation classique et 102 millions d’euros en hospitalisation de jour).
En 2020, environ un cinquième (20,8 %) de l’ensemble des dépenses de santé (hors soins hospitaliers) était donc à la charge des patient·e·s, notamment 16,0 % par le biais de paiements directs et 4,76 % par le biais d’une assurance complémentaire facultative. Cette part propre est nettement plus élevée que dans nos pays voisins. L’augmentation des coûts des soins de santé touche d’abord les publics les plus vulnérables : les chômeurs·euses, les travailleurs·euses en incapacité de travail, les personnes porteuses de handicap et les ménages exposés à un risque de pauvreté.
Pour 15,7 % des ménages, les soins médicaux constituent une charge financière élevée. Une proportion qui monte à 28,5 % pour les ménages exposés au risque de pauvreté (ceux qui touchent moins de 60 % du revenu médian). Les besoins médicaux non satisfaits pour des raisons financières sont mentionnés par 15 % des personnes qui ont des difficultés à assurer leurs besoins primaires en matière de logement, d’alimentation, de chauffage, etc., contre seulement 1,2 % de celles qui ne rencontrent pas ces difficultés. Il en résulte qu’en Wallonie et à Bruxelles, presque une personne sur deux qui en avait besoin, a renoncé au moins à un soin pour des raisons financières.
Les suppléments d’honoraires et le déconventionnement constituent des freins majeurs à l’accès aux soins surtout pour les publics fragilisés. Il est donc primordial d’enrayer cette tendance. Le renoncement aux soins des publics défavorisés est un enjeu majeur qui nécessite des mesures fortes. Des alternatives qui renforcent l’accessibilité financière des soins de santé existent pourtant.
La suppression du conventionnement partiel, le renforcement des statuts protecteurs (BIM, MAF) et la régulation des honoraires des prestataires permettront un meilleur accès pour les patient·e·s fragilisé·e·s. Par ailleurs, renforcer le système des maisons médicales au forfait est une nécessité absolue pour améliorer l’accès aux soins et décloisonner la médecine curative par l’interdisciplinarité.
Augmenter, par davantage de planification et de régulation territoriale, la proportion de prestataires conventionnés dans chaque bassin de vie et de soins (pour atteindre un seuil minimal de 80 % tant chez les médecins généralistes, spécialistes et dentistes) au moyen d’incitants.
Supprimer le conventionnement partiel et les suppléments d’honoraires à l’hôpital.
Renforcer la protection des publics plus vulnérables (statut BIM octroyé automatiquement et rehaussement du seuil plafond de 10 %).
L’efficience d’un système de santé repose sur le principe d’échelonnement des soins, principe de hiérarchisation des lignes de soins de santé qui incite les patient·e·s à entrer dans le système de soins par le niveau le plus « bas » possible et donne au médecin généraliste une place prépondérante. L’échelonnement, en diminuant le recours à l’hôpital et en favorisant le maintien à domicile, permet d’avoir une vision globale et continue des soins, et d’y intégrer l’approche préventive. Il est moins coûteux pour la sécurité sociale.
L’échelonnement doit aller de pair avec un renforcement de la première ligne de soins. L’offre doit être pensée en fonction des besoins en santé de la population. En effet, fortement sollicitée par le développement des alternatives à l’hospitalisation et des retours précoces à domicile, par l’augmentation des maladies chroniques (26 % de la population belge souffre d’au moins une maladie chronique) et par le vieillissement de la population (19,1 % de la population belge était, en 2020, âgée de plus de 65 ans, contre 18,1 % en 2015), la première ligne tente aujourd’hui de répondre à la déferlante.
Il faudrait donc pouvoir garantir, dans chaque bassin de vie et de soins, l’identification des besoins des populations, la formulation d’objectifs de santé publique en fonction de ces besoins et la capacité à y apporter des réponses. Pour ce faire, les soins de première ligne doivent être davantage planifiés et organisés. En effet, la pénurie de médecins généralistes en Belgique (120 communes belges rencontrent en 2022 une pénurie sévère de médecins généralistes) témoigne, plus que d’une pénurie généralisée, d’une répartition inégale des médecins sur le territoire. Certaines zones sont moins bien desservies que d’autres, notamment en régions rurales et dans les quartiers défavorisés des grands centres urbains.
Lors de la dernière législature, les votes du Plan social santé intégré à Bruxelles et du décret Proxisanté en Wallonie vont dans le sens d’une meilleure organisation de la première ligne. Depuis 2010, la Flandre réorganise également, en trois niveaux, le paysage des soins de santé de première ligne. Une organisation qui continue à se dessiner petit à petit. Mais une fois de plus, se pose la question des moyens qui seront mis à dispositions pour la mise en œuvre de ces politiques territoriales. Quel sera le réel pouvoir d’action des acteurs de première ligne sur les problématiques de santé publique spécifiques à leur territoire dans un monde où les inégalités sociales ne font que croître ?
Outre celle des moyens, se pose également la question de la collaboration entre les différents niveaux de pouvoir. En effet, une bonne planification de l’aide et des soins repose sur une série de facteurs dont la responsabilité incombe tant au fédéral qu’aux régions et communautés. Des réponses concertées et l’adoption d’un plan d’action interfédéral sont donc nécessaires.
Pour cause, l’un des freins majeurs actuels à la planification de l’offre d’aide et de soins adaptés aux besoins de la population est la pénurie de personnel. La réponse à cette situation doit faire intervenir aussi bien la politique de financement des soins de santé (fédéral) que celle de l’enseignement supérieur (communautaire) ou des incitants à l’installation (régional). Notons par ailleurs, pour justifier la nécessité de renforcer les collaborations entre niveaux de pouvoirs, que si le fédéral à la main sur le contingentement de l’exercice de la médecine, ce sont les communautés qui sont chargées de répartir les numéros INAMI entre les différentes spécialités. Ajoutons enfin le rôle des régions dans l’organisation de la première ligne.
Ce plan doit être pensé à partir des besoins réels de la population objectivés par un cadastre de l’offre et un recensement des besoins. Dans de nombreux secteurs, singulièrement celui du handicap, nous ne possédons pas aujourd’hui d’un cadastre clair des offres de répit, d’accueil et d’accompagnement. Or, cette connaissance de la situation réelle du terrain est indispensable pour s’assurer de la rencontre des besoins de la population. Le plan doit également tenir compte des conditions géographique, démographique et socioéconomique qui impactent l’organisation de l’aide et des soins.
Enfin, un échelonnement efficace des soins suppose de repenser la répartition des tâches entre les différent·e·s praticien·ne·s. Dans un contexte de pénurie, de surcharge de travail et de manque de valorisation de certaines professions, il est urgent de réfléchir aux compétences de chacun·e : un·e aide-soignant·e, par exemple, est à même de réaliser certains actes qui aujourd’hui lui sont interdits, alourdissant de ce fait la charge de travail du corps infirmier. Cette répartition doit se faire en bonne intelligence avec les représentant·e·s des métiers et des usagers·ères.
Organiser un plan d’action interfédéral de l’offre en santé en fonction des besoins réels de la population tout en prenant en compte l’aspect géographique, démographique, mais également des critères sociosanitaires et économiques. Il faut objectiver les besoins (dans tous les secteurs) afin d’anticiper l’offre en fonction de la demande. Nous voulons donc que soient établis un cadastre de l’offre et un recensement des besoins réels au départ des bassins de vie et de soins qui soit conforme à notre volonté de modèle d’universalisme proportionné d’aide et de soins.
Faciliter l’accès à la formation du personnel de santé pour encourager toutes les vocations.
Échelonner les soins de manière à correctement répartir les tâches entre les différentes professions du soin (médecins, infirmiers·ères, aide-soignant·e·s, etc.).
La Belgique traverse une grave pénurie de personnel dans le secteur de l’aide et du soin. Les professions de santé ne sont plus tenables ni attractives du fait de leurs mauvaises conditions de travail et salariales. Les réductions budgétaires en soins de santé mises en œuvre par les gouvernements successifs ont mené à une intensification des prises en charge (raccourcissement des durées d’hospitalisation, prises en charge plus intensives à domicile ou en maisons de repos, etc.) pour l’ensemble des professionnel·le·s, soignant·e·s ou non (administratif, logistique, etc.). Les logiques de rentabilité qui guident de trop nombreuses institutions de soins ne laissent que peu de place à l’humain, ce qui constitue une source supplémentaire de démotivation.
Sur le terrain, on déplore un nombre croissant de postes d’infirmiers·ères laissés vacants. Près de la moitié des infirmiers·ères en soins intensifs de notre pays envisagent de démissionner en raison de la charge de travail insoutenable et des conditions de travail déplorables. Deux autres chiffres significatifs illustrent cette problématique : le nombre d’absences de longue durée a augmenté de 20 % depuis 2018, et l’ambassadrice des soins de santé, Candice De Windt, évaluait fin 2022 le manque de personnel infirmier entre 20 000 et 30 000. La pandémie a mis en lumière ce phénomène autant qu’elle l’a accentué. Augmentation des cadences de travail, renforcement des risques de burn-out à l’hôpital : ces effets sur la santé et le bien-être au travail se font encore ressentir aujourd’hui.
En 2022, 120 communes belges rencontraient également une pénurie sévère de médecins généralistes (moins de 50 médecins pour 100 000 habitants). Une commune sur deux est en pénurie (moins de 9 médecins généralistes pour 10 000 habitants) en Wallonie et une sur trois en Région bruxelloise, ce qui fait craindre l’extension de déserts médicaux. Le malaise ne date pas d’hier, sur fond d’enjeux communautaires de répartition de numéros INAMI et de numerus clausus.
Plus largement, c’est l’ensemble des métiers de l’aide et du soin qui sont touchés. Les rythmes et la charge de travail, combinés au stress de ces métiers et à une rémunération trop faible, n’attirent plus les jeunes professionnel·le·s. Le personnel manque donc, ce qui alourdit la charge de travail de ceux qui, à bout de souffle, sont toujours dans le bateau. Au-delà du facteur humain, c’est tout le système de soins de demain qui est en danger.
L’offre en santé se dégrade : fermeture de services dans les hôpitaux et les maisons de repos, listes d’attente qui gonflent, augmentation de la sélectivité des patient·e·s et exclusion d’un certain nombre de patient·e·s des prises en charge.
Nous ne pouvons accepter de voir notre système de santé péricliter faute de personnel en nombre et motivé au travail. Face à ces enjeux, nous souhaitons un plan ambitieux pour retrouver une société qui prend soin, qui réenchante les métiers de l’aide et du soin, et qui propose des conditions de travail et de rémunération dignes pour les professionnel·le·s de la santé. Ce sont aussi les systèmes de formation et de stage qui doivent être revus. Il faut assurer un encadrement pédagogique suffisant en vue d’éviter l’abandon massif qui caractérise les dernières années d’enseignement des professionnel·le·s des soins, trop rapidement « mis en production » par défaut d’encadrement et vu la pénurie de soignant·e·s dans les institutions qui accueillent les stagiaires.
Investir des moyens financiers dans l’amélioration des conditions de travail et de rémunération du personnel soignant, singulièrement infirmier et de l’aide sociale (diminution de la charge administrative et augmentation de l’encadrement).
Les économies réalisées par les fusions/réorganisations des réseaux hospitaliers doivent être redirigées vers l’amélioration des conditions de travail et l’encadrement du personnel sans réduction du budget. C’est-à-dire, utiliser certains moyens économisés par ailleurs dans l’objectif d’améliorer les conditions de travail de toutes les personnes travaillant à l’hôpital.
Disposer d’un plan interfédéral pour répondre aux besoins territoriaux des populations, notamment et en priorité en matière de proximité des acteurs·rices de la 1re ligne d’aide et de soins. Tendre vers la suppression du contingentement fédéral du nombre de médecins. Aujourd’hui, les zones en pénurie de médecins généralistes (on pourrait évoquer également les dentistes ou certaines spécialités comme les ophtalmologues) augmentent, avec des taux de non-recours aux soins qui s’accentuent. En conséquence, on observe une intensification des demandes directes aux soins spécialisés ou hospitaliers. La suppression du contingentement agit sur les pénuries de soignant·e·s.
Aujourd’hui, la couverture par le système d’assurance maladie obligatoire reste imparfaite. Au moins 1 % de la population n’est pas couverte. Selon l’OMS, ce taux atteint 2 % à Bruxelles, des 25-40 ans et des indépendants. En outre, les Belges paient en moyenne environ 19 % de leurs dépenses en santé de leur poche, beaucoup plus que les Néerlandais, Français ou Allemands.
Dans notre pays, plus d’un·e citoyen·n·e sur trois n’a pas de médecin généraliste attitré. Ce problème tend à s’aggraver, car la pénurie de médecins généralistes se creuse de plus en plus dans tout le pays.
En raison de la digitalisation croissante et d’un sous-financement des corps intermédiaires, beaucoup de personnes se retrouvent sans l’accès à l’information et aux conseils qui sont dispensés par des agences de proximité comme celles des mutualités.
Si on analyse la répartition des moyens budgétaires au sein de l’INAMI, les trois postes les plus coûteux sont : les honoraires médicaux (9 milliards d’euros), les fournitures pharmaceutiques (5 milliards d’euros) et le financement des hôpitaux (7,4 milliards d’euros). La démocratie sanitaire est mise à mal par ces répartitions budgétaires qui favorisent la seconde ligne de soins, au détriment de la première (médecins généralistes, infirmiers·ères à domicile, aides à la vie journalière, maisons médicales, plannings familiaux, etc.). La première ligne est pourtant plus proche, plus adaptée aux besoins, plus préventive. Mais le pouvoir de décision reste entre les mains du curatif.
Le mode de financement à l’acte des prestataires de soins engendre une multiplication des actes médicaux, portant préjudice à une prise en charge globale et holistique des patient·e·s englobant des actions de prévention et de promotion de la santé. Un tel système provoque de fortes inégalités d’accès au système de soins de santé. L’OMS l’a récemment rappelé : en ce qui concerne l’accès aux soins en Belgique, l’écart entre les ménages les plus riches et les plus pauvres est considérablement plus important que dans les autres pays de l’Union européenne. Ces inégalités d’accès à la première ligne et à la prévention provoquent un engorgement des urgences hospitalières et une multiplication des traitements aigus qui coûtent énormément aux finances publiques.
La pandémie a pourtant démontré à quel point il est essentiel de mieux coordonner notre système de soins, de le construire à partir d’une large base qu’est la première ligne de soins et d’assurer un accès de chaque citoyen·n·e à une équipe pluridisciplinaire locale à laquelle il·elle peut se référer en cas de besoin.
Refinancer les soins de santé primaires pour contrer la pénurie de soignant·e·s de première ligne avec une attention particulière au financement des soins à domicile.
Valoriser la coordination et renforcer des financements de type forfaitaires accompagnés de critères de qualité, pour assurer une meilleure prise en charge des patient·e·s, dans une logique de continuité, d’interdisciplinarité et de soins plus intégrés.
Assurer le refinancement des mutualités et syndicats, acteurs clés en matière d’identification des besoins et d’accessibilité aux soins pour développer des réponses physiques de proximité ou des outils digitaux sur l’ensemble des territoires.
En 2019, la Belgique a consacré 10,7 % de son PIB à la santé. Contrairement aux idées reçues, ces dépenses publiques sont inférieures ou égales à celles des pays voisins, même si elles demeurent supérieures à la moyenne européenne.
Aujourd’hui, le budget consacré aux soins de santé est trop souvent considéré comme une variable d’ajustement budgétaire alors qu’il devrait répondre aux besoins de la population et à des objectifs de santé publique. Selon ses dernières estimations pour la période 2024-2028, le Bureau fédéral du plan a estimé une croissance moyenne des dépenses de soins de santé de 4,1 % par an pour les soins de long terme de 3,3 % pour les soins aigus. La « norme de croissance », soit la décision politique de majorer annuellement le budget des soins de santé, doit répondre aux besoins (l’évolution « normale » des coûts en santé et le développement de dispositifs innovants) et non permettre de réaliser des économies, comme l’a fait le gouvernement précédent (Suédoise) en la diminuant à 1,5 %.
Le sous-financement des soins de santé favorise le développement de pratiques marchandes, et une part trop importante des cotisations sociales des travailleurs·euses et employeurs·euses tend à glisser du budget de la sécurité sociale vers les poches du privé commercial (industries pharmaceutiques, prestataires de soins spécialisés, entre autres). Conséquences : l’accessibilité aux soins diminue et de nombreux besoins sont insuffisamment remboursés et couverts par l’assurance maladie. C’est le cas des soins dentaires, des soins en santé mentale, des lunettes et des appareils auditifs, ou encore de certains médicaments ou traitements (par exemple en matière de cancer). En 2019, 19 % des dépenses de santé en Belgique étaient à charge des citoyen·ne·s. Les pays voisins au nôtre font mieux que nous : 10,8 % aux Pays-Bas, 12,5 % en Allemagne et 9,2 % en France1.
Au sein même du budget des soins de santé, on constate des déséquilibres importants. Aujourd’hui, les trois postes de dépenses les plus élevés à l’INAMI sont les honoraires des médecins, le financement hospitalier et les fournitures pharmaceutiques, ces dernières représentant à elles seules près de 20 % du budget.
Presque entièrement privatisé et « marchandisé » depuis la recherche jusqu’à la pharmacie, le médicament coûte de plus en plus à la collectivité. Son prix n’est pas directement lié aux coûts de production, mais fixé, dans le cadre de négociations souvent opaques, sur base de ce que l’État (et le citoyen) est prêt à payer. Certaines recherches sont par exemple abandonnées parce qu’elles concernent des maladies qui touchent des populations trop peu solvables ou des maladies rares. À l’inverse, des budgets colossaux sont consacrés à la mise au point de nouveaux médicaments pour lesquels un marché lucratif existe, alors qu’ils n’apportent aucune plus-value en termes de santé. Certains traitements coûtent aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers d’euros par an et par personne, alors que parallèlement l’industrie pharmaceutique est un secteur qui verse le plus de dividendes à ses actionnaires.
De son côté, la première ligne souffre. Fortement sollicitée, elle tente de répondre à la déferlante. Le manque de moyens est criant et certaines régions sont particulièrement démunies face à l’afflux de patient·e·s. Plus que jamais, il devient nécessaire de déployer des politiques de résilience du système de santé pour faire face aux futures crises (sanitaires, socioéconomiques, politiques, environnementales). Cela doit passer par un renforcement global de la sécurité sociale et, en son sein, par un soutien financier plus important de tous les métiers de la première ligne, englobant les actions de prévention et de promotion de la santé.
Revoir à la hausse la norme de croissance du budget de l’assurance maladie et la fixer à 3 % minimum, en prenant en considération les projections du Bureau fédéral du plan pour la période 2024-2028 (4,1 % pour les soins de long terme et 3,3 % pour les soins aigus). Cette norme de croissance ne doit plus être la variable d’ajustement budgétaire.
Réorganiser les budgets et réallouer les ressources à des objectifs de santé publique et de soins de santé qualitatifs accessibles à tous. Ces ressources doivent financer, en priorité, une première ligne de soins forte, accessible, de qualité, indépendante de l’hôpital et qui intègre les actions de prévention primaire. Un financement suffisant et bien réparti des soins de santé aura pour effet la diminution de la marchandisation des soins et le renforcement de leur accessibilité.
Il faut également augmenter le budget alloué à la promotion de la santé à hauteur de 6 % du budget des soins de santé afin d’investir dans le préventif compris dans une acceptation large et de toucher à tous les facteurs qui influencent la santé.
Réguler et rendre transparentes les dépenses en matière de médicaments en vue de payer le juste prix et rendre obligatoire le respect du budget alloué à l’industrie pharmaceutique.
1 Données 2018. Source: Federal Public Service – Social Security, “The evolution of the social situation and social protection in Belgium 2020”, maart 2021, p33. (https://socialsecurity.belgium.be/sites/default/files/content/docs/en/publications/silc/ silc-analysis-social-situation-and-protection-belgium-2020-en.pdf)
Traumatismes musculosquelettiques (TMS), stress, burn-out, bore-out, accidents, dépressions, etc. : la santé des travailleurs·euses n’a jamais été mise autant sous pression. En Belgique, un demi-million de travailleurs·euses sont aujourd’hui en incapacité de travail depuis plus d’un an (INAMI). Parmi ces personnes, la plupart ont une pathologie liée à leurs conditions de travail (selon la Mutualité chrétienne, 60 % des incapacités de travail ont un lien direct ou indirect avec le milieu du travail). Cet enjeu de santé publique implique tous les acteurs·rices de la santé (promotion de la santé, prévention au travail, acteurs du curatif), mais aussi la société dans son ensemble.
Il y a lieu de garantir la reconnaissance des maladies professionnelles et leur extension à de nouvelles pathologies liées au travail (maux de dos, burn-out), à l’absence de travail (chômage, revenu d’intégration sociale) ou à du travail alternatif peu ou pas reconnu (aidants proches, bénévoles). Il est également nécessaire de prévenir les accidents du travail et mieux les faire reconnaître. Enfin, le rôle des syndicats doit être renforcé, notamment via la mise en place d’organes paritaires compétents en matière de promotion de la santé dans toutes les entreprises de 20 travailleurs.euses au moins.
La souffrance au travail ne peut être une fatalité. Il est urgent de prendre des mesures porteuses d’émancipation dans le monde du travail, notamment via la réduction collective du temps de travail, qui peut s’appliquer dans tous les aspects de la carrière professionnelle.
Mettre en œuvre des outils permettant aux acteurs·rices de la santé, qu’ils agissent dans le champ de la promotion de la santé, de la prévention et la protection au travail ou dans celui de l’organisation des soins (médecins du travail, conseils des mutuelles, de famille, conseillers·ères en prévention, infirmiers·ères, psychologues et assistant·e·s sociaux·ales du travail, etc.), de se concerter en vue de :
Supprimer toutes les sanctions pour les travailleurs·euses ou chômeurs·euses malades de longue durée dans le cadre de la législation sur la réintégration. Garantir à celles et ceux qui ne sont pas en incapacité totale le droit de retrouver leur poste, si nécessaire adapté, ou un poste nouveau avec la formation utile pour l’occuper, voire, s’il y a lieu, de bénéficier de moyens suffisants en vue d’un travail dans une nouvelle entreprise ou d’un nouveau métier. Bref, garantir le droit au travail comme citoyen·ne même non pourvu·e de ses totales capacités.
Doter par extension des missions actuelles des CPPT (comités pour la prévention et la protection au travail), toutes les entreprises à partir de 20 travailleurs·euses, d’un organe paritaire pouvant donner des avis conformes obligatoires en promotion de la santé à partir d’une analyse des risques fondée essentiellement sur l’expertise des travailleurs·euses au plus proches du travail réel qu’ils effectuent.
Entre les distributions de colis, les restaurants sociaux ou encore les épiceries sociales, on estime que 600 000 personnes recourent à l’aide alimentaire en Belgique (FdSS), soit plus de 5 % de la population. Le droit à l’alimentation est donc loin d’être effectif. Quant à parler d’un droit à un accès digne et autonome à une alimentation suffisante, saine et de qualité, et qui répond aux préférences alimentaires des personnes, n’en parlons même pas.
L’obésité tue 5 millions de personnes par an, presque deux fois plus que le paludisme, la tuberculose et le VIH réunis (Institue for Heath Metrics and Evaluation). En Belgique, le pourcentage de la population adulte obèse (BMI ≥ 30) est de 16 % et le pourcentage de la population adulte en surpoids (BMI ≥ 25) est de 49 % (Sciensano). Sciensano estime aussi que le surpoids et l’obésité augmentent, au minimum, la facture en soins de santé de 4,5 milliards d’euros par an.
L’industrialisation de l’alimentation affaiblit la qualité nutritionnelle des aliments, provoquant de nombreuses maladies chroniques. L’excès de sucre, de sel et de gras dans les aliments transformés entraîne des problèmes de santé tels que l’obésité, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2. En plus de ces maladies chroniques, l’obésité est reconnue comme un facteur de risque de développer certains types de cancers, des démences et maladies rénales chroniques. Quant à la consommation excessive de certains additifs utilisés par l’industrie alimentaire, elle a été associée à des problèmes de santé tels que les allergies, les troubles du comportement et les déséquilibres hormonaux.
Si la malbouffe pèse sur la santé, elle contribue aussi à la crise climatique. L’alimentation, primordiale pour le bon développement des personnes, se situe à l’intersection entre la santé, l’écologie et la justice sociale. Elle est pourtant quasi exclusivement dans les mains du secteur privé. Selon un récent rapport de Greenpeace, les 20 plus grandes entreprises de l’agroalimentaire – leaders des secteurs des céréales, des engrais synthétiques, des viandes et des produits laitiers – ont rapporté 53,5 milliards de dollars à leurs actionnaires sur les exercices 2020 et 2021, au détriment de millions de personnes sous-alimentées.
Les inégalités sociales d’accès à une alimentation de qualité, les inégalités de santé qui en découlent et la non-durabilité du système alimentaire actuel exigent la mise en œuvre d’actions visant à améliorer la qualité de l’alimentation et son accessibilité. Une alimentation de qualité doit être diététiquement suffisante et équilibrée, agréable pour les sens, sûre et respectueuse de l’environnement et des travailleurs·euses. La qualité de l’alimentation doit associer les préoccupations sanitaires, sociales, culturelles et environnementales.
Promouvoir des environnements alimentaires accessibles à haute valeur nutritionnelle s’appuyant sur une production locale et durable tout en réduisant ou interdisant les usages agricoles et ingrédients alimentaires nocifs pour la santé. Cela passe par :
Adopter des normes sévères contre la publicité pour les aliments malsains et les produits qui nuisent au climat et à la biodiversité, surtout si elle s’adresse aux enfants.
Encourager des modes de vie plus sains, par exemple en renforçant les démarches de labellisation pour les restaurants, les entreprises, les écoles et les organisations qui s’engagent en faveur d’une alimentation saine. Interdire les fast-foods, les boissons sucrées et les autres aliments malsains dans et aux abords des écoles.
En vue de favoriser l’accès à une alimentation de qualité chez les personnes en situation précaire : renforcer les systèmes et les niveaux de protection sociale pour combattre le manque d’accès financier à une alimentation de qualité ; soutenir la mise en place d’un approvisionnement stable en produits de qualité de l’aide alimentaire.
Le logement est un droit fondamental. Facteur de sécurité, de stabilité et d’épanouissement, il est un point d’ancrage essentiel pour chacune et chacun. Parmi tous les déterminants non médicaux de la santé, il est probablement celui qui conditionne le plus d’aspects de la vie. Selon l’OMS Europe, on compte chaque année en Europe près de 130 000 décès associés à des conditions de logements inadéquates. Au Royaume-Uni, il a été établi que la surmortalité hivernale est fortement liée aux caractéristiques du logement des populations. Cet impact se porte sur la santé mentale (anxiété, dépression, etc.), mais aussi sur la santé physique (propagation de maladies infectieuses, symptômes respiratoires, etc.).
Pour un nombre croissant de personnes, le logement ne parvient plus à remplir ses fonctions élémentaires. En Belgique aujourd’hui, des milliers de personnes dorment à la rue ou dans un abri temporaire : le dernier dénombrement de personnes sans abri à Bruxelles, réalisé en novembre 2022, indique une hausse de près de 20 % de personnes sans abri et mal logées dans la capitale. Des milliers d’autres personnes peinent à payer leur loyer : à Bruxelles toujours, les loyers ont augmenté d’environ 20 % hors indexation entre 2010 et 2020, et de 80 % depuis 1986 (RBDH). Cette hausse des coûts du logement, conséquence de la spéculation immobilière, de la non-régulation des loyers et du déficit de logements sociaux, dépasse de loin l’évolution des revenus. Enfin, des milliers de personnes vivent dans des logements trop petits ou insalubres. Selon le Baromètre de l’habitat sain publié fin 2019, dans notre pays, 41 % des enfants vivent dans un logement insalubre et courent dès lors jusqu’à quatre fois plus de risques d’avoir des problèmes de santé. Sans parler des logements mal isolés, dont les habitant·e·s doivent faire face à des coûts d’énergie qui ont explosé. Enfin, le coût du logement dans certains quartiers empêche des gens qui travaillent dans ce quartier de se loger, ce qui les oblige à de longues heures de transport.
Il est urgent de mettre en place des mesures pour limiter la hausse des loyers et des (aides aux) investissements pour augmenter l’offre de logements accessibles et leur qualité. C’est un impératif pour contrer la précarité sociale et ses conséquences délétères sur la santé de la population.
Uniformisation et urbanisation des environnements, espaces verts de plus en plus réduits, exposition plus grande au bruit, à la pollution de l’air et aux pics de chaleur : c’est aussi plus globalement tout le cadre de vie qui tend à se dégrader. On sait pourtant que cette altération des espaces de vie induit un plus haut niveau de stress, une moins bonne satisfaction quant à sa vie, mais aussi des troubles du sommeil et de la concentration, de l’anxiété et des décès prématurés. Il faut donc aussi lutter contre la dégradation de certains territoires.
Concevoir les villes et les zones périurbaines de telle manière qu’elles soient résistantes aux changements climatiques :
En matière de logement, soutenir les ménages, via un Pacte interfédéral Logement-Énergie :
En matière de mobilité :
L’espérance de vie d’un homme âgé de 30 ans et diplômé de l’enseignement supérieur est, en moyenne, supérieure de six ans à celle d’un homme du même âge qui ne serait pas diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Cet écart est de 4 ans et demi chez la femme (données de l’OCDE, 2021).
Problèmes de surpoids, de santé mentale ou d’addictions, prévalence des maladies chroniques : il existe un lien clair entre le niveau d’éducation et l’état de santé. Diminuer les obstacles à l’apprentissage et développer des environnements et programmes éducatifs qui favorisent l’estime de soi, la gestion du stress et l’exercice des compétences psychosociales contribue à réduire les problèmes de santé physique et mentale.
Notons également que, selon des données scientifiques probantes, les enfants qui grandissent dans des environnements favorables à leur santé obtiennent de meilleurs résultats scolaires. La réciproque est aussi vraie : les enfants « mieux éduqués » deviennent des adultes en meilleure santé1.
Les connaissances et les compétences obtenues à travers l’éducation permettent en effet aux adultes d’avoir une meilleure capacité de compréhension, d’évaluation et d’utilisation des informations relatives à la santé et au système de soins, c’est-à-dire une meilleure littératie en santé. En renforçant ces capacités, ils sont donc non seulement plus autonomes pour prendre leur santé en main et s’impliquer dans leurs soins et traitements, mais ils prennent aussi des choix plus éclairés quant à leur alimentation, leur activité physique et leur hygiène de vie en général. Aujourd’hui, en Belgique, 71,7 % des personnes ayant un diplôme de l’enseignement supérieur ont un niveau suffisant de littératie en santé, alors que cette proportion tombe à 43,2 % pour les personnes diplômées du primaire ou qui n’ont pas de diplôme (Sciensano, enquête de santé 2018).
Assurer un bon niveau d’éducation est aussi un moteur puissant d’ascension sociale et de réduction des inégalités sociales de santé. Il soutient l’engagement des personnes dans les transformations sociales nécessaires à la santé collective. En effet, une éducation de qualité, accessible à tous·tes et égalitaire, favorise la santé de toutes les personnes.
Garantir une réelle gratuité de l’éducation primaire et secondaire ; améliorer l’accès aux formations initiales en régulant davantage le coût des études ; et renforcer les dispositifs d’éducation tout au long de la vie.
Inscrire dans les grilles horaires des programmes d’éducation pour la santé à l’école en mobilisant les différents acteurs·rices de la santé au sens large (acteurs·rices de promotion à la santé, sociosanitaires, mutualistes, de l’EVRAS, de l’éducation aux médias…) et engager élèves ou étudiant·e·s et personnel encadrant dans des actions pour rendre le milieu scolaire plus propice à l’apprentissage et à la santé.
Investir dans une éducation qui soutient le développement des compétences psychosociales (gestion des émotions et du stress, confiance en soi, écoute de son corps, capacité à coopérer…), de la littératie en santé (capacité d’obtenir de l’information en santé, de l’analyser…) et d’autres compétences utiles à la vie (gestion des risques des médias sociaux, capacités de mobilisation…).
Dans un système démocratique cohérent, l’ensemble des parties prenantes de la société doivent y prendre part de manière égalitaire. De même, tout être humain a le droit de participer à la mise en place des politiques de santé. Cette participation a montré son efficacité dans l’amélioration de la santé et dans la réduction des inégalités sociales en santé. Elle se fait dans une visée de solidarité, d’équité, d’augmentation du pouvoir d’agir (empowerment) et de citoyenneté.
Durant la pandémie, la participation des citoyen·ne·s à leur santé et aux politiques de santé a pourtant pris du plomb dans l’aile. Celle des soignant·e·s et intervenant·e·s sociaux·ales, médiateurs·rices indispensables, aussi. La pandémie a fourni un bel exemple de recul démocratique : les communications et décisions se sont opérées dans le cadre d’un modèle vertical et univoque souvent bien loin des réalités des populations.
La démocratie en santé doit être organisée et encouragée à tous les niveaux du système et à toutes les échelles territoriales : au niveau de la relation soignant·e-patient·e ou professionnel·le-usager·ère, à l’échelle des collectifs et des services (ex. : associations de patient·e·s, comités d’usagers·ères), des institutions (administrations, mutuelles, etc.) et du politique, à ses différents niveaux de pouvoir.
Cette approche horizontale permet des actions en santé plus en phase avec les divers contextes de vie et préoccupations des personnes, tend à diminuer la défiance entre citoyen·ne·s et décideurs·euses, et a un impact en termes de réduction des inégalités sociales. L’usage des méthodes participatives rend ainsi les actions de promotion de la santé plus pertinentes, efficaces et légitimes.
L’engagement citoyen a également un effet direct sur la santé personnelle. Diminution de la consommation de médicaments, meilleure santé subjective, sentiment de solitude moins présent : autant de conséquences positives de la participation sur la santé (MC, UCLouvain, 2020).
Enfin, selon le psychologue Yann Le Bossé, un certain niveau de participation des personnes comme la délégation de pouvoir ou le contrôle citoyen sur des questions qu’elles estiment importantes pour elles permet un réel développement de leur pouvoir d’agir et de contribuer à une société plus juste.
Au niveau interfédéral : au départ de l’Institut du Futur, associer les principales forces vives et acteurs·rices de la société civile afin de définir et évaluer des objectifs de santé publique interfédéraux qui transcendent les différents niveaux de pouvoir.
Au niveau régional/communautaire : renforcer les mécanismes de concertation et de cogestion des politiques de santé publique au travers des organes institués avec une attention plus grande à la place des représentants des citoyen·ne·s/bénéficiaires/usagers·ères.
Au niveau des bassins de vie : créer les conditions pour un plus grand soutien et une plus forte coordination des acteurs·rices de terrain (associatif ou public, médical, socioculturel, sanitaire, de l’éducation…) autour d’actions communautaires en santé mobilisant les populations en lien avec un territoire, un milieu de vie, une préoccupation.