Carte blanche : Le travail, un malade de longue durée

La Coalition Santé a publié dans Le Soir une carte blanche sur les relations entre travail et santé, et la situation des personnes en « maladie de longue durée ». 

Le gouvernement fédéral veut mettre en place une série de mesures austéritaires qui vont aggraver l’état de santé des travailleurs et des travailleuses. Le projet politique devrait être axé sur une stratégie préventive et non stigmatisante et répressive.

Un constat alarmant 

Le nombre de malades de longue durée (personnes en incapacité de travail depuis plus d’un an) n’a jamais été aussi élevé. En Belgique, 526.000 personnes sont reconnues en invalidité. 1/3 pour des maladies liées à la dépression ou au burn-out et 1/3 pour des troubles musculo-squelettiques. Deux maladies fondamentalement liées aux conditions de travail qui ne font que se dégrader. Par ailleurs, la majorité des personnes en invalidité sont des femmes et des personnes âgées de plus de 55 ans. Un phénomène inquiétant qui risque de s’amplifier avec les mesures prévues par l’Arizona. En tant qu’organisations représentatives de la société civile et des travailleurs et travailleuses, nous tirons la sonnette d’alarme.

Une réponse politique insatisfaisante et brutale 

Cette situation est d’autant plus préoccupante que dans le contexte politique actuel, le gouvernement fédéral veut mettre en place une série de mesures austéritaires qui vont aggraver l’état de santé des travailleurs et des travailleuses.

L’Arizona prévoit de trouver plus de 23,3 milliards d’euros d’ici 2029 pour ramener le déficit du niveau fédéral en dessous de 3% du PIB. Dans cette perspective, l’Arizona veut remettre un maximum de personnes au travail et cela le plus vite possible. Évaluer la “capacité résiduelle” (capacité restante pour travailler) des personnes malades, limiter les allocations de chômage à deux ans, sanctionner les mutualités si elles n’effectuent pas assez de trajets de retour au travail, inciter les employeur·es à rapidement remettre les employé·es au travail, augmenter les contrôles pour les médecins soupçonnés de prescrire des certificats de complaisance, … Toutes ces mesures ne visent qu’un seul objectif : activer les personnes au chômage ou en incapacité de travail pour atteindre un taux d’emploi de 80% à l’horizon 2029. En plus d’être inhumaine et brutale pour les personnes en situation de maladie, cette politique est irréaliste et contre-productive. En effet, au dernier trimestre 2024, on recensait plus de 526 000 personnes invalides pour 171 946 postes de travail vacants. Si on y ajoute les 280 000 personnes au chômage, il devient évident qu’il n’y pas assez de travail pour tout le monde.

Cette politique qui s’attaque aux symptômes du problème et non aux causes est accompagnée de discours stigmatisants qui voudraient que les chômeur·euses soient des profiteur·euses ou les malades des imposteur·trices.

Notre analyse 

La logique du gouvernement repose sur la responsabilisation des personnes malades, des médecins, des employeur·es et des mutualités.

Syndicats, mutuelles, associations et expert·es de santé, nous établissons un lien clair entre les conditions de travail qui se dégradent et l’augmentation plus qu’inquiétante du nombre de personnes malades.

Nous constatons que les travailleur·euses sont soumis à des cadences de travail de plus en plus rapides et que les objectifs de productivité sont de plus en plus élevés, que le personnel de soin est en sous-effectif chronique (avec les conséquences que l’on connaît sur la qualité des soins prodigués) et que les moyens déployés dans les services publics sont en baisse constante. Un chiffre vient confirmer notre constat ; 84% des médecins du travail sondés par Solidaris pensent “qu’il est  demandé aux salarié·es de faire davantage d’efforts qu’avant tant sur le plan mental que physique”. (thermomètre Solidaris). 

Dès lors que l’on accepte ce constat, il devient impossible d’appréhender la question des malades de longue durée en supposant une quelconque fainéantise de la part des personnes concernées.

Casser le mythe des profiteurs et apporter une réponse collective 

La vision selon laquelle les personnes malades seraient responsables de leur situation ou en profiteraient est une manière d’aborder cette problématique qui ne correspond pas à la réalité et qui est profondément culpabilisante pour l’individu.

Le travail permet de subvenir à ses besoins, d’avoir une utilité sociale, de donner du sens, de créer du lien… Lorsqu’il est réalisé dans de bonnes conditions, qu’il est correctement rémunéré et qu’il ne rend pas malade, le travail peut effectivement être émancipateur. C’est pourquoi personne ne choisit de tomber malade ou de le rester pour profiter d’une prétendue oisiveté. Être malade, qui plus est du travail, n’est pas un luxe et n’est jamais confortable.

De plus, il est primordial d’analyser le problème de la santé au travail par le prisme du collectif. A titre d’exemple, dans le secteur des aides-ménagé·ères, chaque jour un·e travailleur·euse sur cinq est en incapacité de travail. Les tendinites, les expositions à des produits chimiques nocifs et les troubles musculo-squelettiques sont monnaie courante pour ces personnes dont les conditions de travail éreintantes abîment le corps.

Dans ce secteur, comme dans beaucoup d’autres, toute tentative d’individualiser le phénomène est soit une erreur d’analyse soit une malhonnêteté intellectuelle. C’est par des solutions collectives comme la prévention des risques, l’embauche de personnel en suffisance et la réduction collective du temps de travail que l’on parviendra à améliorer les conditions de travail et la santé du plus grand nombre.

Mieux vaut prévenir que guérir 

En termes de santé au travail et en vue d’enrayer la croissance du nombre de malades de longue durée, il est nécessaire de réaliser de nouveaux investissements pour la prévention des risques, dans l’accompagnement des personnes malades et pour engager du personnel supplémentaire dans les métiers en pénurie.

Par ailleurs, le “toujours plus de flexibilité sur le marché du travail » que la droite appelle de ses voeux et qui a pour unique objectif d’augmenter sans cesse la productivité des entreprises semble incompatible avec des objectifs de santé ambitieux. Travailler de nuit, effectuer des heures supplémentaires, avoir plusieurs jobs,… Tous ces mécanismes qui font passer l’humain après le profit ont des répercussions graves et parfois irréversibles sur la santé des travailleur·euses.

À travers des mesures davantage ciblées sur des solutions concrètes pour améliorer les conditions de travail, nous pouvons non seulement alléger la charge de travail mais également diminuer la pénibilité et améliorer l’accompagnement des personnes malades.

En conclusion,

Contrairement au gouvernement, nous décidons de regarder la réalité en face et avons le courage de proposer des mesures politiques à la hauteur de l’enjeu qu’est la santé au travail. Aujourd’hui, force est de constater que les conditions pour un travail épanouissant et digne ne sont pas réunies. Face à ce constat, nous refusons la logique strictement budgétaire et productiviste qui presse les travailleur·euses jusqu’à l’épuisement et cela dans l’unique but de rendre nos entreprises plus compétitives. Puisque traiter les causes s’est toujours avéré bien plus efficace que de s’attaquer aux conséquences, nous proposons de mettre en place une approche préventive pour éviter que les personnes ne tombent malades de leur travail. Réduire le temps de travail, engager du personnel dans les métiers en pénurie, investir dans nos services publics et dans la prévention des risques,… voilà des mesures ambitieuses qui permettront enfin d’enrayer cette machine à produire des personnes malades qu’est devenu le monde du travail.

Signataires :

Centrale Nationale des Employés (CNE)

Algemeen Belgisch Vakverbond (ABVV)

Centrale Générale FGTB

Fédération des maisons médicales (FMM)

Réseau Wallon de lutte contre la pauvreté

Projet Lama

La Voix des Femmes

Atelier Santé de Charleroi

Femmes et Santé

ZIJkant

Soralia

Fédération Bruxelloise de Promotion de la Santé

Centre de planning familial Soralia Liège

Pour la solidarité ASBL

Collectif 5C

Compagnie Adoc

Arsenic2

Médecin Sans Vacances

Attac Bruxelles

Entr’aide des Marolles

POUR

Esenca

Liages

Corps écrits ASBL

Sofélia – La Fédé militante des Centres de Planning familial solidaires

Fédération Laïque de Centres de Planning Familial

Latitude Jeunes

Vie Féminine

Viva Salud

FASS

Gamp

Culture et Santé

Plateforme Prévention Sida

Conseil Bruxellois de Coordination Sociopolitique

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